L’aube était encore jeune et l’air chargé d’humidité, quand l'élégante mage aux allures souples digne d'une voleuse arpenta les chemins la menant au petit cimetière du bois des chants éternels.
Elle serrait entre ces doigts graciles un petit bouquet composé des fleurs les plus simples des sous bois. A quelques pas devant elle trottait un familier qui de temps en temps se retournait comme pour lui indiquer la bonne direction et lui demander de hâter son pas.
A quelques pas du cimetière, la gracieuse elfe hésita un instant.
Elle s’approcha d’une pierre tombale où étaient inscrits ces mots :
"Sylvania, fille de la forêt, après bien des batailles victorieuses, trouve ici un juste repos aux côtés de son père."
"A ma fille chérie."
"A mon Adorée, nos cœurs unis à jamais dans ce monde ou dans l’autre."
D’un geste souple l'elfette déposa son petit bouquet sur la modeste tombe. Le familier se coucha près du corps enterré de sa maitresse et poussa une longue plainte douloureuse alors qu’un soleil pâle tenta de traverser le lourd manteau que formaient les nuages.
D’un geste gracieux et subtil la mage retira de son sac une bouteille d’hydromel et en versa le contenu dans une vieille chopine usée. Elle en bu une petite gorgée et s’adressant à la pierre :
«A ta santé ma vieille », et d’un mouvement souple versa le reste de la chope sur la tombe.
« Tu devais être toute déshydratée » dit-elle en souriant.
Elle recula de quelques pas et avec délicatesse s’assit face à la pierre et commença à lui parler.
« Je suis passée à l’hôtel des ventes et il n’ y avait rien d’intéressant. Comme d’habitude. Depuis que tu es partie, la mode est devenue épouvantable. Heureusement que tu n’es plus là pour voir ça. Par contre pour ta maman tu serais heureuse de voir à quel point les affaires marchent pour elle. Elle a le plus grand atelier de couture de tout le royaume de l’est. Elle n’a plus aucun souci financier désormais. Ton rêve c’est finalement réalisé…"
Elle s’arrêta, les mots coincés dans sa gorge.
« Et moi je… »
Elle s’efforçait de refouler ses larmes. Elle se passa le revers de la main sur ses paupières.
« Tu me manques tellement ma belle…tellement…mais soit patiente mon aimée je serais bientôt là…j’ai une dernière chose à accomplir avant de te rejoindre en paix.».
Une main délicate se posa alors sur son épaule.
« Allons, allons, ne te mets pas dans des états pareils. Ma fille n’aimerait pas te voir comme ça. Il faut que tu continues à vivre et à être heureuse. Ne lui donne pas des raisons d’être attristée de nous avoir abandonnée trop tôt ici bas. Elle est près de sa déesse maintenant, elle a trouvé la paix .»
La mage répondit les yeux pleins de larmes
« Mais vous ne comprenez rien, rien ! Tout est de ma faute, elle s'est sacrifiée pour me sauver...C’est trop dur à vivre, vous m’entendez, c’est trop dur… »
Elle fondit en larmes et s’effondra sur le sol en sanglotant et s’adressant à la pierre :
« C’est trop dur sans toi, c’est trop dur… mais s’il te plait ne soit pas triste, s’il te plait, je t’en prie ma belle, mon amour, s’il te plait il ne faut pas être triste…»
La mère de Sylvania l’a remis alors debout. Elle l’enveloppa d’une épaisse cape qui lui fit un chaud manteau :
« Allez viens, il va pleuvoir, rentrons à Lune d’Argent.»
La mère de Sylvania prit doucement la main de la mage, et l’attira vers la sortie du petit cimetierre, laissant le familier seul et triste près de la tombe de sa maîtresse sous la pluie qui commençait à tomber.
« Mais il fait glacé chez toi, laisse moi allumer le feu ». Un feu puissant réchauffa la pièce sombre qui s’éclaira soudainement.
« Hoooo…Tu as encore toutes ses affaires ! Je t’ai déjà dit cent fois de te débarrasser de ce fatras inutile ! Tu vis dans le passé, ce n’est pas bon pour toi, il faut que tu ailles de l’avant maintenant, cesse de…»
La mage lui coupa sêchement la parole :
« Merci de m’avoir raccompagnée chez moi. Ca ira maintenant. Je vous rends votre cape. ». Elle lui tendit la cape ruisselante de pluie en lui lançant un regard froid.
« Bien, bien je te laisse…Je passerai te voir demain. »
Elle l’embrassa sur la joue tendrement. La mage se tenait raide, et ne lui rendit pas son baiser. La mère de Sylvania lui caressa alors le visage d’un mouvement maternel et lui dit avec douceur :
« Toi qui était si radieuse avant, quelle tristesse de te voir ainsi… ». Elle lui prit délicatement ses poignets meurtris d’une longue cicatrice encore bien visible et les embrassa comme si ce geste pouvait faire disparaître la blessure. Puis elle caressa les doux cheveux dorés de l'elfette, coiffa sa franche et entoura son doux visage entre ses mains et la regardant dans les yeux lui lança :
« A demain, pas de bêtise hein ? ». La mage ne lui répondit pas, et détourna son regard et secoua la tête, faisant retomber sa franche sur son oeil.
La mère de Sylvania soupira et retira ses mains. A contre cœur elle s’éloigna. Elle jeta un dernier regard et après avoir secoué la tête avec tristesse, referma enfin la porte derrière elle, laissant l'elfette seule dans la pièce près du feu qui crépitait dans la grande cheminée.
L'elégante mage commença à naviguer dans la pièce où étaient rassemblés tous les souvenirs de Sylvania. Accroché au dessus de la cheminée son immense arc doré, avec au dessous ses deux magnifiques dagues entrecroisées. Elle s’approcha d’une fine armure de maille posée sur un buste de bois et la caressa délicatement.
« Je sais que tu aurais préférée qu’on t’enterre avec, comme une guerrière, mais ta mère t’as fabriqué sans aucun doute la plus belle des robes qu’Azéroth est jamais connu pour t’habiller pour ton dernier voyage. Qui saura un jour qu’un tel trésor repose ainsi avec toi…».
Elle murmura de nouveau « qui saura… »
Elle se dirigea alors dans la pièce suivante, composée d’une bibliothèque et d’un bureau. Ouvrit un tiroir et y retira une liasse de parchemin, un encrier et une magnifique plume d’or et d’argent.
Elle écrivit :
Afin que le souvenir de Dame A’El Thas Sin Dorei Sylvania reste à jamais vivant, moi Valérïanne, Magistère de l’Ordre du Grand Soleil, Gardienne du sceau sacré des Epigones, Protectrice d’Izaca, en fait ici le récit pour que sa vie exemplaire soit le guide des jeunes générations et que son sacrifice soit à jamais honoré.
Elle prit un nouveau parchemin et écrivit :
Chapitre I, l’enfance de Sylvania.
Amis lecteurs, le monde où est née et a grandit Dame A’El Thas Sin Dorei Péregrine Haut Soleil, que je permettrais d’appeler simplement Sylvania, doit vous paraître aujourd’hui bien étrange. Pourtant, vous aurez du mal à croire, que les événements décrits se déroulent sur la même terre d’Azéroth où vous vivez actuellement.
Sylvania est issue elle, d’un monde beaucoup plus chaotique, en perpétuelle agitation. Sylvania a connu la guerre incessante contre les forces de la légion ardente, le front militaire en outreterre, car la porte des ténèbres n’avait pas été encore refermée à cette époque, ainsi que les champs de bataille contre les forces cruelles et barbares de l’alliance. Ainsi que les camapgnes militaires du Norfendre afin de repousser les armées du fléau et traquer Arthas.
Dans ce monde là, pour survivre il ne fallait pas être seulement le plus fort ou le plus intelligent, il fallait être mieux que ça, un héros.
Cette époque, que les historiens nomment aujourd’hui, Paci’Herois Do Azerth Sin Dor’eil Era, nous a amené vers un monde plus juste et en paix. Mais sans le sacrifice et le courage d’ elfe de sang comme Sylvania, nous ne connaîtrions pas aujourd’hui cette époque de paix et de prospérité. Pourtant rien dans son enfance heureuse et tranquille ne prédestinait Sylvania à devenir cette farouche combattante que j’ai rencontré et que j’ai aimé de toute mes forces.
L’orage grondait à l’extérieur. Le soir commençait à s’installer. Dans la luxueuse et confortable maison de Valérïanne on entendait que le bruit du feu, de la pluie tombant sur le toit et le frottement de la plume sur le parchemin. Brusquement un bruit de se fit entendre à la porte qui rompit la monotonie de ce silence. C’était le vieux familier, revenant trempée du petit cimetierre qui grattait à la porte. Valérïanne se leva pour aller lui ouvrir. Le vieil animal frissonant allant s’échouer près du feu et s’endormit, en ronflant bruyamment. Valérïanne retourna à son bureau, alluma les lampes et continua à écrire.
Chapitre II
Les jours heureux à la ferme.
Les anecdotes que je vais vous relater, amis lecteurs, concernant les premières années de Sylvania sont bien authentiques. Elles me viennent des confidences même de Sylvania, de discussions avec ses amis ou sa cousine Mâgette, ou de son cousin Ezéchiel.
Mais surtout des repas que nous prenions ensemble avec Sylvania et sa mère à l’occasion des fêtes. Quand je lui posais la question :
« Comment était Sysy quand elle était petite ? », elle ne se lassait pas de compter les petites histoires amusantes qui lui été arrivées, sans se douter de mettre sa fille dans un grand embarras.
Sylvania faisait alors de grands gestes à sa mère, et se tournant vers moi me lançait en riant : « Ne l’écoutes pas, elle est gâteuse, elle raconte des bêtises », mais cela n’arrêtait pas sa mère pour autant. Alors dans un geste magistral, Sylvania se levait, et imitant parfaitement la voix de Dame Arwinn, déclamait :
« Mes amis, je préfère vous quitter céans, vous laissant à vos digressions et autres fariboles, et m’en retourne avec la grâce et l’élégance qui caractérisent une elfette de sang bonne famille, dans la cuisine où la compagnie d’une chopine me sera plus agréable que cette assemblée de menteurs… »
Et elle s’en allait effectivement dans une imitation très réussit de la démarche élégante de Dame Arwinn. Mais depuis la cuisine on pouvait l’entendre rire et soudain crier : « Ca c’est pas du tout passé comme ça ! » et revenir en courant à notre table, sa chopine remplie à la main, pour annoncer « Je vais te dire moi, ma chérie, la vérité vraie ».
Certains pensent que les moments les plus heureux de la vie de Sylvania sont ceux passés aux côtés de ses compagnons d’armes des épigones. Pour ma part je me plais à penser qu’elle a pu trouver dans mes bras de vrais moments de bonheur. Bien que Sylvania m’ait confié de nombreuses fois, comme elle était toujours nostalgique du temps de ses premières années d’indépendance passées loin de sa mère et de Lune d’Argent, dans les terres de Durotar ou dans les savanes des Tarides, la vérité est que Sylvania n’a jamais été aussi heureuse que pendant ses années de jeunesse passés dans la ferme de son père et de sa mère.
Le père de Sylvania, A’El Thas Andil’ar, un prometteur magistère du sanctum oriental, décida de se détourner des pouvoirs que peuvent octroyer l’apport de mana, effrayés de voir ses amis d’enfance peu à peu devenir dépendants à ce point des sources magiques.
Il déclamait sur la place du bazar de Lune d’Argent, à qui voulait l’entendre, que les elfes de sang regretteraient un jour cet abandon total à la magie et qu’il était nécessaire de revenir à des valeurs matérielles plus bénéfiques pour l’équilibre du corps et de l’âme.
Qu’au lieu de punir et traquer ces pauvres intoxiqués, il prônait l’ouverture de maisons d’accueil pour les soigner et un long séjour à la campagne, loin des tentations de Lune d’Argent.
Il fit quelques adeptes mais s’attira les foudres du Conseil. Sa famille, issue de bien nés, n’apprécia guère non plus ce discours et le renia.
Mettant en pratique ses convictions, avec le peu d’argent qu’il lui restait, il décida d’acheter un terrain, situé à la lisière de ce qu’à l’époque nous appelions les malterres de l’est, non loin du domaine d’andilien, et donc, hélas, tout proche de Zul’Aman…
Il fit appel à Mo’rrisroe de l’association des Bâtisseurs de Lune d’Argent pour l’aider à bâtir une ferme sur ce terrain fertile. Un beau jour d’été, alors qu’il travaillait sur le chantier avec Mo’rrisroe, il fit la connaissance de Melaya Tassier, venue apporter le repas et des rafraîchissements pour son père et Andil’ar. Cette jeune elfette d’origine modeste aux beaux cheveux immaculés, simplement coiffés, dans sa petite robe de paysanne, sans atour, était sans nul doute la plus douce et la plus belle elfe de tout le royaume de l’Est.
Ils se plurent au premier regard et peu de temps après leur mariage ils habitèrent la ferme qui les avait réuni. Cette union fut béni par le déesse Izaca, qui leur accorda le bonheur de la naissance d’une fille, qui vit le jour durant la fête du voile de l’hiver. Ce qui fit dire à Melaya :
« Voit Andil’ar comme tout Azeroth fête la naissance de notre fille ».
«Melaya, appelons notre enfant Sylvania, pour que la forêt qui l’a vu naître l’accueille comme une des siennes et la protège. Vois, comme en ce jour d’hiver, ses cheveux ont la couleur de la neige qui recouvre les arbres de nos bois. Nul être vivant dans ce monde ne peut être plus heureux que moi en ce moment, entouré de la plus douce et jolie des elfes de sang et de la plus merveilleuse des filles. Je rends grâce à Izaca pour ces bienfaits. »
Sylvania a donc grandi au milieu des bois et a appris à marcher dans les sentiers des bois. Dès qu’elle eut été en âge de le suivre, son père lui appris les rudiments de la chasse du petit gibier.
La mère de Sylvania confia un jour, au cours d’un de nos repas :
« Quand elle était encore bébé son père en était fou. C’est moi qui m’absentais pour faire les courses et c’est lui qui restait à la maison pour s’en occuper ! D’ailleurs les premiers mots que Sylvania est prononcé, c’était pot-pot »
Sylvania se cacha la figure dans les mains et marmona à l’attention de sa mère :
« Maman, arrêtes, Val se fiche de tes histoires… »
« Non, non je continue…Alors son père et moi, au début, on ne comprenait pas ce qu’elle voulait dire. On la mettait donc sur son pot, pensant que c’est ce qu’elle voulait, puisqu’elle disait sans arrêt pot, pot… On était même assez fiers que si jeune elle soit déjà propre… »
C’est souvent à ce moment là que Sylvania se levait, imitant la voix de Dame Arwinn, et disait d’un ton qui se voulait des plus poli :
« Je vais dans la cuisine me resservir…Tu peux me suivre Val si tu veux… »
« Non, non, je reste, je veux entendre la suite de cette passionnante histoire ! »
Et sans prêter attention aux gros yeux que lui lançait Sylvania, sa mère, imperturbable poursuivait :
« Mais lorsqu’on la plaçait sur son petit trône elle pleurait. Elle montrait son père et disait de sa petite voix : popo. On a alors compris qu’elle essayait de dire PAPA mais comme elle était petite elle disait POPO. »
Dans la cuisine on entendait Sylvania marmonner entre deux lampées d’hydromel.
Mais sans prêter attention aux agitations de sa fille, sa mère continuait :
« Son père était aux anges bien sûr, mais moi, tu imagines comme j’étais vexée que ces premiers mots furent pour son père et non pour moi. Tout ça pour te dire à quel point Sylvania et son père étaient proches. Il en a fait un vrai garçon manqué, une vraie fille des bois. Elle passait plus de temps dehors avec son père à pêcher ou chasser qu’à la maison avec sa pauvre maman solitaire. Moi qui étais si heureuse d’avoir eu une jolie princesse à pouponner à la maison… »
Sylvania revenait alors en courant de la cuisine, sa chopine à la main, et faisant une révérence à sa mère, dans sa belle robe,disait :
« Mais je suis une princesse ! » et se jetait au cou de sa mère pour l’embrasser pendant que celle-ci lui caressait ses cheveux toujours en bataille en lui murmurant :
« Ma petite princesse des forêts… »
A SUIVRE ...