Les rayons du couchant étiraient les ombres sur l'assemblée réunie sur les balcons de la tour de Brise Clémente. Les verres de cristal tintaient et les éclats de rire retentissaient au milieu des feuillages éternellement vers du Bois des Chants Eternels. La situation aurait pu paraitre cocasse pour un spectateur non averti. Voir Zayhan et Leydecoco trinquer avec leurs grosses pattes maladroites un vin que la noblesse humaine rêverait de posséder dans leurs caves rendait la scène particulièrement amusante. Les débats allaient bon train entre les Epigones rassemblés, certains se vantaient de leurs faits d'arme, d'autres échangeaient sur la nature de la Tablette et d'Izaca. Dans son coin, à son habitude Mëlywen observait silencieux et s'éclipsa pour aller pêcher en contrebas. Aërindeel vit partir sa protégée le coeur serré. Il n'avait pas manqué les regards complices qu'elle échangeait avec Kuroda quelques instants auparavant. Le barde sortit son luth et commença à pincer quelques cordes dans un chant mélancolique.
A l'intérieur de la tour, confortablement assis sur des coussins rembourrés de plumes de Faucon Dragon, Amrod s'Entretenait avec le Maître archiviste Kuroda. Le maître des Epigones souhaitait être le premier au courant des révélations inscrites sur la Tablette de Weikanee. Même s'il connaissait depuis ses visions la manière d'invoquer l'avatar de la Déesse, les tablettes devaient sans doute lui en apprendre plus sur les méthodes d'utilisation du précieux cristal et sans doute la manière de libérer les pouvoirs qu'il contenait. Une telle source d'énergie remplacerait sans doute la puissance du Puits du Soleil et permettrait d'apaiser à tout jamais l'insatiable soif des Elfes de Sang. Son pouvoir serait également un atout pour mettre fin une bonne fois pour toute à la guerre avec la Légion ardente et peut être même de faire payer Arthas, le Roi Liche de son affront. De telles révélations ne devaient pas être mises entre toutes les oreilles, et Amrod, même s'il avait confiance en ses amis, préférait préserver certains secrets.
Les premiers rayons de la Lune Blanche caressèrent une scène attendrissante. Arwinn, l'Archimage des Epigones et son tendre époux Asthaïn caressaient affectueusement la chevelure de leur fille adoptive Marlysa. L'enfant faisait montre d'une puissance incommensurable pour son age dans les arts du combat et la maîtrise des pouvoirs de la Lumière. Avec la fougue de son jeune age elle racontait comment elle avait combattu en Outreterre à ses parents. De son côté, Anwamanë et Dame Lhaorens faisaient un point précis sur les possessions de la communauté.
Un cri d'Alerte rompit la quiétude du moment.
Weikanee, perché sur une branche d'arbre comme seul un troll pouvait le faire, lança l'alerte. De son oreille aiguisée, AsthaÏn se saisit de son arc, encocha une flèche et scruta l'horizon.
Sur le chemin pavé de pierres blanches qui menait à Brise Clémente, un groupe de quatre Factionnaire arrivait bon train en direction de la Tour. Leur livrée portait les armoiries de Lune d'Argent et des Hauts Soleil. Les quatre elfes portaient la tenue typique de cuir et de maille des Eclaireurs de la Cité.
Sans ménagement le groupe franchit les quelques mètres de la rampe qui menaient au balcon. L'un d'entre eux, plus marqué par les combats que les autres, s'adressa au groupe sans ménagement.
- Où Est votre chef! où est celui que l'on nomme Amrod Lölindir!!?
Dans un habile jeu de jambes, les factionnaires bloquèrent l'accès de la rampe, prets à en découdre avec un éventuel fuyard.
Lhaorens, fronça les sourcils et s'approcha.
- Que lui voulez vous?
Avec une rudesse toute orque, l'elfe interrompit la pretrèsse.
- Silence femme! ici c'est moi qui pose les questions.
Un remou parcourut l'assemblée des Epigones, Asthaïn ne put retenir les ardeurs de MArlysa qui sortit son épée au clair et héla les intrus.
- Ne vous avisez pas de vous adresser comme cela à Dame Lhaorens ou je vous transforme en surprise croustillante que les nains dégusterons à la prochaine fête de la bière!
L'une des factionnaires donna un coup de son pommeau sur l'angle de la machoire de la jeune fille, qui tomba de tout son poids, presque assommée.
Les taurens bouillaient de rage. Leydecoco s'adressa à la Phalange de Lune d'Argent.
- Ne relevez pas la main sur cette jeune fille où vous risquez de goûter à la colère de la Nature!
L'un des factionnaires montra l'intérieur de la tour.
- Ici commodore! il y en a à l'intérieur!
Les Eclaireurs resserrèrent leur étau sur le groupe, lui interdisant tout mouvement brusque. Pris entre le vide vertigineux et le groupe armé les Epigones étaient pris au piège.
Interrompus dans leur conversation par les bruits du Dehors, Kuroda, dans sa sagesse fit signe à ämrod de rester à l'Intérieur.
Il s'adressa sans hésiter aux quatre factionnaires.
- c'est moi que vous cherchez je crois? et j'aimerais savoir quelles sont les causes de cette incursion! savez vous qui je suis?
Le garde lui coupa la parole net.
- Sur Ordre de Kael'Thas Haut soleil Seigneur des Elfes de sang et de la Cité royaume de Lune d’Argent, nous perquisitionnons cet endroit, lieu de culte d'un Ancien dieu interdit, et emmenons tous les artefacts impies que vous utilisez. L’utilisation d’objets interdits est châtié par sa Seigneurie. Remettez nous le Cristal !
Un frisson courut le long de l’échine d’Amrod. Ne souhaitant pas livrer ses amis aux mains de ces tortionnaires, il sortit à son tour de la Tour.
- Je suis Amrod Lölindir. C’est Moi que vous cherchez. Et je vous prierai de vous adresser à ma Femme de manière différente. Et surtout… de ne plus lever la main sur un Epigone.
- Démoniste ! remets nous le cristal qui est en ta possession !Avec un flegme naturel Amrod leva un sourcil et sourit.
-Un cristal ? Quel cristal ?
- Ne joue pas au plus malin avec nous démoniste !
D’un simple geste l’elfe ordonna à ses estafettes d’encercler le Maître des Epigones. En moins de temps qu’il fallut pour s’en rendre compte, Amrod avait les mains jointes derrière le dos, une pointe de glaive sous la gorge.
Observant la scène Weikanee profita de la confusion pour ramper le long de la branche qui le soutenait et bondit tel un prédateur sur le dos d’un des gardes.
Surpris, l’elfe n’eut pas le temps de réagir et s’effondra sous la masse du Troll. Un simple coup de tête suffit à assommer le garde et à lui faire lache son arme.
La Factionnaire riposta sans attendre, desserrant son étreinte d’Amrod , elle invoqua la lumière et fit pleuvoir ses pouvoirs sur l’infortuné Troll.
Chaque geste de l’elfe était minutieusement analysé par l’invincible chasseur. Weikanee se cabra et bondit sur sa main, le marteau de justice de l’elfe n’et pour effet que de fendre le sol du balcon.
Asthaïn profita du tumulte du combat pour invoquer la puissance de la nature, du bout de ses doigts agiles il tissa un symbole invisible. la pointe de sa flèche se nimba d’un nuage verdâtre et nauséabond. Dans un réflexe à peine perceptible, la silhouette d’un elfe s’effondra, terrassée par un trait fiché dans la gorge. La violence du poison finit par lui donner quelques soubresauts comme le poison s’insinuait en lui. Il expira. Asthaïn sentit son sang bouillir un instant, un feu intérieur brûlant dans son corps. L’elfe serra les poings afin de ne pas trahir son terrible secret, puis reprit ses esprits lentement sous le regard attentionné de sa bien aimée.
Les trois survivants paniquèrent, Amrod s’engouffra dans la tour à l’abris des regards. Coupant court à la poursuite, Kuroda s’interposa et invoqua les arcanes. Un vent glacial se leva soudain. Les feuilles environnantes se recroquevillèrent sous l’effet de la magie glaciale. Une neige épaisse se mit à tomber, interdisant toute poursuite aux agresseurs. Des bourrasques puissantes se levèrent balayant les poursuivants comme de frêles brindilles.
Dans un sourire Triomphant, Kuroda sortit le cristal de sa tunique et adressa un salut narquois aux elfes avant de se jeter dans le vide. Le chef de la compagnie se releva difficilement pour voir le Maître Archiviste atteindre le sol à plus de cinquante mètres en contrebas, flottant tel une feuille morte, sans une égratignure, le même air de défi aux lèvres. Kuroda disparut dans un éclair de mana.
La rage au ventre, le commodore des elfes de sang sauta dans le vide, et poussé par la mana de Kael thas, retomba sur ses pieds tel un félin.
Galvanisé par le mauvais tour qu’ils venaient de subir les deux elfes restant passèrent le blocus des Epigones et pénétrèrent dans la tour. Amrod tentait tant bien que Mal de dissimuler un objet soigneusement emballé dans un linge déchiré. La Pérégrine qui avait agressé Lhaorens invoqua la toute puissance de la Lumière et assomma le Maître des Epigones d’un puissant marteau de Justice. L’objet roula à ses pieds. D’un rictus satisfait, elle s’empara du balluchon et donna un violent coup de talon dans l’abdomen d’Amrod, inconscient.
- crève chien , notre maître a ce qu’il était venu chercher.
L’elfe siffla, son compagnon se libéra de l’emprise des épigones qui cherchaient en vain à pénétrer dans la tour et la rejoignit sans attendre. La bousculade qui s’en suivit permit aux deux agresseurs de disparaître tout bonnement sous les yeux médusés des Epigones.
Tout redevînt calme.
Kuroda se rematérialisa sur le balcon et accourut aux côtés de ses compagnons déjà affairés à soigner Amrod.
A force de soins prodigués par Lhaorens et Marlysa, le démoniste reprit peu à peu connaissance.
Estomaqués par l’attaque sournoise qu’ils venaient de subir, les epigones ne savaient que faire, pansant tant bien que mal leurs blessures et s’interrogeant sur les raisons de cette agression.
Amrod éclata en sanglot.
- Ils l’ont pris…
Kuroda triomphant sortit le cristal de sa manche. Le halo bienfaiteur de l’objet apaisa les esprits.
- Non… le cristal est bien là. Et nous avons la preuve qu’il doit détenir un grand pouvoir pour intéresser Kael’Thas de si près.
Le démoniste se releva non sans peine.
- ce n’est pas le cristal qu’ils ont pris… mais la Tablette. Prions Izaca pour qu’ils n’en percent pas les secrets.
Alors que la seconde lune jetait une lueur verdâtre sur l’astre blafard, le bois des chants Eternels était redevenu calme. Adossée à un arbre, loin de toute agitation Mëlywen pêchait nonchalamment, ignorant tout de ce qui venait de se passer non loin de là, se répétant sans cesse que l’ombre n’était pas synonyme de corruption, blessée par les paroles indélicates d’un barde un peu trop loquace. Elle fut la seule à remarquer que ce soir là, quelques feuilles tombèrent de l’arbre contre lequel elle s’appuyait. Des feuilles marquées par les premiers stigmates de l’Automne dans une forêt qui ne connaissait que l’été.
Les trois factionnaires plièrent le Genou. Une main décharnée sortit d’un linceul noir pour se saisir de l’objet. Le tombeau poussiéreux où ils s’étaient repliés résonna un instant de rires gutturaux venus d’outre tombe. Les mains malhabiles déplièrent les linges pour découvrir avec horreur un simple morceau d’argile couvert de Runes.
Le souffle ardent qui consuma les trois elfes sur l’instant, avant que ceux-ci ne découvrent leur erreur, laissa leurs squelettes calcinés dans la même posture de soumission. Les cordes vocales qui ne pouvaient plus prononcer de mot résonnèrent et vibrèrent dans un feulement inhumain comme pour pousser un cri de Désespoir. Puis, lentement, d’un pas mal assuré, la silhouette drapée disparut dans les ombres d’une crypte qu’aucun être vivant n’avait jamais foulé, l’esprit torturé par la vengeance, à jamais, une antique tablette d’argile couverte de symboles incompréhensibles tenue mollement, du bout de phalanges décharnées et d’ongles noircis.