Les lieux étaient magnifiques. De fines tentures vaporeuse pendaient au plafond, les coussins les plus soyeux attendaient chaque invité. De hauts sièges en velours bleu nuit et pourpres ceignaient une table d’albâtre et d’or. Les lustres flottants diffusaient une lumière appaisante pendant que quelques braseros délicatement ouvragés répandaient un encens des plus exquis.
Le buffet qu’Amröd avait commandé était digne des rois : Sangliers, poulardes, fruits de Strangleronce, pâtisseries Fumebois, rien ne manquait. Les Epigones qui arrivaient un à un emplirent rapidement la salle. Le groupe d’Arwinn, Kuroda, Aërindeel, Mëlywenn, Asthaïn et Weikanee furent les premiers arrivés.
Dame Lhaorens, prêtresse d’Izaca, épouse d’Amröd avait revêtu ses plus beaux atours pour la soirée. Sa gentillesse légendaire invita ses convives à profiter du buffet sans se priver comme une parfaite maîtresse de maison.
Le groupe fut vite rejoint par Marlysa, la jeune fille adoptive d’AsthaÏn et Arwinn. La jeune paladine au tempérament de feu et à l’attitude espiègle allait de groupe en groupe pour sauter au cou de tous ses parrains et marraines de la confrérie.
Tirée de ses comptes par les vivas de la foule, Anwamanë clotura les livres d’inventaires des Epigones, ferma son petit office à double tour et rejoignit l’assemblée bruyante.
Aërindeel se sentait bien. La famille dont il avait toujours rêvé était là, réunie sous ses yeux, dans un endroit qui lui faisait enfin oublier les affres des combats et de la guerre.
La quiétude des lieux fut vite rompue par l’arrivée de deux Taurens. Zayhan et Leydecoco rejoignirent la petite assemblée. Ami de longue date d’Amröd, Ley dans ses manières toutes tauranes se rua sur le banquait engloutissant les mets fins et délicats sous les regards amusés des autres Epigones. Les invités étaient tous là. Ceux qui n’avaient pu se joindre à la réception étaient pris sur les fronts qu’imposait la guerre en Outreterre ou au nord du continent.
Amröd s’adressa à l’assemblée. A ses côtés un elfe discret que personne ne connaissait bombait le torse fièrement. Le maître des épigones leva le voile sur les inquiétudes d’une réunion nimbée de tant de mystères.
Amröd demanda le silence et dirigea les Epigones vers un recoin de la pièce. Dans une annonce teintée d’émotion il s’adressa à l’assemblée.
- Mes chers amis, j’ai le plaisir ce soir de vous présenter Izaca !
Amröd tira une lourde tenture d’un geste théatral. Devant les Epigones bouche bée par le spectacle, une statue majestueuse, s’élevant à plus de dix mètres, ciselée de main de maître dans le marbre le plus fin s’offrait à leurs Yeux. L’elfe dansant représentée semblait presque réelle. Plusieurs marbres précieux furent assemblés pour donner corps au chef d’œuvre : les nervures rouge carmin, les veines bleu azur, les stries vert émeraude tranchaient avec le blanc immaculé de la pierre. L’effigie était fichée de sphères colorées tournoyant au gré des vents de mana autour de la statue. Chacune représentait un élément, et trônant au milieu la statue d’Izaca semblait danser et jongler avec les sphères. Amrod laissa la parole à l’elfe, bombant le torse, à côté de lui.
L’homme se présenta comme le sculpteur de cette pièce unique. Dans un discours que seule la noblesse de Lune d’Argent aurait apprécié, il s’appesantit sur la difficulté du travail, son interprétation de la beauté, le symbolisme de sa création, et tout un tas de détails qui n’aurait intéressé que les initiés. Les applaudissements se répercutèrent sur les voûtes de la salle de banquet. L’elfe fit les courbettes d’usage et Amröd invita ses amis à rejoindre le buffet.
Un instant on aurait cru que les elfes de Sang retrouvaient l’âge d’or qu’ils avaient perdu depuis plus de dix ans. Une assemblée rieuse et bruyante émerveillée par l’art que seul un peuple aussi élitiste pouvait créer. Les questions fusaient, le sculpteur assailli des félicitations des invités ne savait où donner de la tête, le vin mousseux cuvée spéciale Haut soleil coulait à flot, les hors d’œuvre Preste-patte passaient de mains en mains. Tout semblait se passer pour le mieux… jusqu’à une simple question qui aurait pu paraître anodine mais qui rappela soudain à chacun les doutes qu’ils avaient sur l’existence d’Izaca.
- Je ne voudwais pas gâcher l’ambiance mais pouwquoi Izaca est elle wepwésentée sous les twaits d’une elfe ?
Weikanee n’eut pas le temps de terminer sa phrase que les protestations s’élevèrent. Mëlywenn rappela que ce qui l’avait attirée chez les épigones n’était pas la vénération d’une pseudo Déesse mais les valeurs que propageaient cet ordre. Aërindeel rappela que les dieux anciens étaient morts depuis longtemps, vaincus par les titans et qu’aucune déesse ne pourrait marcher sur le monde d’Azeroth de nos jours. Kuroda, ayant préparé son discours interrogea précisément Amröd sur la déesse. Rien ne pouvait interrompre l’archiviste. L’orateur qu’il était retint l’attention de toute l’assemblée. Le temps sembla se figer et les contestations cessèrent soudain. Le tintement des verres s’arrêta net. Seul le battement des ailes des Faucons Dragons qui virevoltaient dans la salle marquait tel un métronome les longues secondes de silence d’Amröd. Tous les regards furent braqués sur le maître des Epigones.
-Cher Amröd, pour avoir été le gardien de la Grande bibliothèque de Lune d’Argent depuis tant de temps… je n’ai vu apparaître le nom d’Izaca qu’une seule fois dans l’histoire d’Azeroth… et cette unique fois coïncide avec la création de votre Ordre. Je ne voudrais pas contester son existence mais..
Weikanee qui avait soulevé le débat interrompit le Maître archiviste. Et sortit un objet soigneusement emballé de sa besace.
-Si j’ai demandé, Maitwe awchiviste, pouwquoi Izaca etait wepwésentée sous les twaits d’une elfe c’est pawceque je détiens cet objet qui semblait faiwe état de l’existence de la déesse. Ce n’était pas pouw wemettwe en doute la pawole d’Amwöd ! Il semblewait en effet que nos deux peuples Amani et Hauts elfes aient eu des cwoyances communes.
Les Epigones comme hypnotisés par l’objet sorti par le chasseur troll restaient suspendus aux lèvres d’Amröd. De son flegme et son assurance naturelle, Amrod adressa un sourire rassurant à toute l’assemblée et prit la parole.
-Mes chers Epigones, Izaca existe je l’ai vue. Aussi, faites silence et écoutez l’histoire que je vais vous conter.
Amrod conquit l’assemblée par ces quelques paroles, et tel un conteur des temps anciens se mit à raconter l’histoire du monde d’Azeroth et ses légendes.
« Au commencement, les anciens Dieux dirigeaient le monde d’Azeroth. Les terres fertiles que nous connaissons aujourd’hui n’étaient que le champ de batailles d’entités puissantes nommées élémentaires. Les élémentaires dans leur forme pure et corrompue combattaient sans cesse les unes contre les autres, véritables lieutenants et pions des Dieux anciens. Afin de contenir ce chaos, les titans envoyèrent l’un de leur plus grand lieutenant, Sargeras. Je ne vous conterai pas l’histoire de Sargeras que tout le monde connaît…
Les titans parvinrent à chasser les anciens dieux du monde d’Azeroth et à exiler les élémentaire ssur les plans éthérés juxtaposés au nôtre. Plans que l’on nomme volontiers plans élémentaires. »
Un raclement de gorge de Kuroda interrompit le récit d’Amrod.
-si je peux me permettre, ceci concorderait avec l’écriture de la tablette remise par Weikanee.
Ces symboles anciens sont un dialecte élémentaire sans doute depuis longtemps oublié, mais certains idiomes ressemblent à des symboles que j’ai vu dans les anciens manuscrits de la Grande Bibliothèque. Ils disent que lorsque les quatre fondamentaux seront réunis alors la clé sera présentée à nos yeux…
Le Maitre Archiviste fut interrompu par Arwinn dont la connaissance élémentaire surpassait de loin celle de tous les membres des Epigones.
-Les quatre fondamentaux. Il ne peut s’agir que des quatre élémentaires. La terre, l’air, le feu et l’eau !
Amrod reprit la parole sans ménagement.
-j’y venais justement. Dans leur toute puissance étiolée par les coups que leur portèrent les titans, les lieutenants élémentaires perdirent une grande puissance de leur énergie une fois bannis. Le monde se calma et le chaos s’acheva. Les courants élémentaires, résidus infimes des lieutenants des Dieux Anciens finirent par s’unir pour ne former qu’un. Ce tout prit conscience de sa propre existence. Ce tout assurait enfin l’équilibre entre les éléments, empêchant les conflits d’intérêt et mettant fin aux rivalités engendrées par les anciens dieux. Alors les races primitives du monde d’Azeroth commencèrent à vénérer ce tout comme une déesse. Elle apportait le feu où il devait réchauffer les âmes, la pluie sur les cultures asséchées, la terre quand les mers démontées cherchaient à engloutir les îles éloignées et l’air et le vent afin de disséminer les graines qui donnèrent naissance à nos luxuriantes forêts. Du chaos des batailles originelles était née Azeroth. Beaucoup appelèrent ce tout mère nature, d’autre pensait qu’elle était la source de toute mana, nous nous la nommons Izaca. Izaca est garante de ce tout, garante de l’ordre et de la mana sans subir cette soif qui terrasse notre peuple. Au fil des siècles elle dut porter plusieurs noms, c’est peut être pour cela que l’on retrouve sa trace chez les Trolls Amani, qui bien qu’ils furent nos ennemis ancestraux, n’en demeurent pas moins l’un des plus anciens peuples de ce monde.
Zahyan et Leydecoco prirent la parole de concert.
- c’est elle que l’on nomme mère Nature… c’est certain. Nous serions donc les gardiens de l’équilibre de ce monde ?
Kuroda félicita Amröd pour son histoire et continua à décrypter l’étrange tablette. Une partie sans doute abîmée lui restait obscure. Le morceau de terre cuite semblait avoir été arraché à un socle beaucoup plus important. Weikanee lui avoua que ce fragment venait de Zul’aman, la forteresse des trolls Amani. Les Epigones devraient sans doute tôt ou tard se risquer dans la forteresse trolle s’ils voulaient en savoir plus sur cet étrange texte. La mention de cet assaut fit s’enflammer les Epigones qui se lancèrent de nouveau dans des palabres bruyants. Amröd ordonna le silence.
-ce n’est pas tout. Lorsque la vision d’Izaca s’affaiblit et qu’elle m’eut dans mes songes révélé tout ceci, je me réveillai pour trouver à mes côtés un étrange objet dont les Epigones devaient être les Gardiens.
Amrod fouilla dans un grand sac et en sortit une orbe d’un blanc immaculé. Sa surface brillait comme mille soleils et un crépitement perpétuel recouvrait sa surface. L’assemblée n’en croyait pas ses yeux. Tous les doutes furent soudain balayés des esprits. Cette orbe était l’objet le plus incroyables qu’il leur avait été permis de voir. La cristallisation de tous les éléments de la toute puissance d’Izaca dans un seul objet gros comme une pastèque claquevigne. Arwinn, attirée par la mana douce qui se dégageait de l’objet vient en caresser la surface. L’Archimage riche de ses connaissances exceptionnelles confirma les dires d’Amröd. Une orbe élémentaire, aussi puissante et si petite regroupant les quatre grandes puissances était tout simplement inimaginable.
Les Epigones s’interrogèrent tour à tour sur la brillance de l’objet. Aërindeel leur expliqua que les quatre éléments conjugués n’étaient que les quatre couleurs qui composaient la Lumière pure, la quintescence de la magie élémentaire.
Les spéculations allèrent bon train entre les membres de la communauté. Chacun y allant de son idée pour utiliser un tel objet ou du pouvoir présumé de celui-ci.
En son for intérieur Amröd souriait. Il avait réussi à fédérer ses Epigones en leur montrant la preuve tangible des explications qu’il leur promettait depuis tant de temps. Tous les doutes s’étaient dissipés, éclairés par cette unique sphère.
Kuroda interrompit une nouvelle fois l’assemblée caquetante.
- si un tel cristal existe… aussi vrai que la Lumière ne peut exister sans l’ombre.. alors… son antithèse doit forcément se trouver en Azeroth. Et… tout comme les élémentaires furent corrompus par le pouvoir des Anciens Dieux, alors Cette sphère d’Izaca pourrait l’être s’il tombait entre de mauvaises mains. Je devrais m’atteler à traduire cette Tablette de Weikanee, la clé doit se trouver quelque part dedans…
Mëlywenn, en tant que démoniste ne tarda pas à réagir expliquant à grand cris que l’ombre n’était pas forcément synonyme de corruption. Les échanges reprirent de plus belle.
D’un simple geste et d’une voix tonitruantes Amröd réclama le silence.
- Je souhaiterais m entretenir avec le Maitre Archiviste Kuroda Epigones… seul à seul.
Sans un mot le petit groupe s’éclipsa sur les balcons de la tour qui accueillait à présent leur sanctuaire. Sur cette simple décision Amröd allait sans le savoir sceller son destin, celui des Epigones et d’Azeroth tout entier…
Lun 28 Jan 2008 - 18:30