Tharken et Zayhan regardaient nerveusement autour d'eux. la milice était plus que jamais présente dans les rues de Lune d'Argent. Les deux taurens pouvaient se faire aussi petit qu'ils le pouvaient, ils restaient néanmoins les cibles des regards et des commérages partout où ils allaient, rompant franchement avec le faste et la grâce des lieux alentours. Le guerrier et le chamane tentaient tant bien que mal de rejoindre l'enclave qui leur était réservée proche des remparts de la cité. Soudain tout s'accéléra. la milice se fit plus insistante et à mesure que les taurens accéléraient le pas, les gardes de Lune d'Argent resserraient leur étau. Les deux compères accélérèent une nouvelle fois la cadence se rattrapant tant bien que mal sur les pavés de la cité. A la porte du Soleil, une phalange surgit des contre-allées, bloquant toute retraite possible. Les deux Taurens se trouvèrent encerclés par la milice, coupés dans leur élan, incapables de fuir plus en avant. Même en considérant la force des deux Epigones, la vingtaine d’hommes qui les encerclait aurait tôt fait de les faire plier. L’un d’eau s’avança, un sourire conquérant aux lèvres. Le pauvre bougre n’eut pas le temps de prononcer une phrase qu’une sphère de feu le propulsa au sol. Brûlé vif, l’elfe se roulait par terre en poussant des hurlements inhumains. Les gardes de Lune d’argent pris de panique par cette attaque soudaine reculèrent instinctivement. Deux s’effondrèrent dans leur retraite, fauchés par des lames acérées qui leur déchirèrent tendons et musles, incapables de se relever.
Tharken profita de la confusion pour frapper le sol de son poing. Autour de la patte massive du Tauren l’énergie crépita, les pavés de pierre éclatèrent, leurs fragments s’unissant en une forme cornue. Tout autour le sol se fendilla, le sol devenant meuble et se dérobant sous les pieds des elfes de la phalange de Kael’Thas pris de panique. Le totem du chamane crépitait d’énergie, rendant à mesure l’étreinte de la terre plus forte.
Tharken invoqua les puissances de la nature. Le chaman psalmodia un chant tribal, dressant à mesure que sa voix s’élevait les racines des arbres de la place. Telles des mains avides, elles aggripaient les gardes de la cité avec une poigne inhumaine.
Derrière le groupe, Aërindeel et Fûma avaient réussi leur attaque surprise. Le maître assasin hurla aux deux taurens de se dépécher.
Les deux silhouettes bovines se frayèrent un passage dans la mêlée. Il ne fallait pas traîner, les renforts ne tarderaient pas.
Derrière le groupe en fuite, les gardes enchevêtrés se débattaient fébrilement pour se libérer de leurs entraves végétales et rocheuses.
Le barde se retourna, se saisit des fioles d’eau minérale qu’il avait invoquées plus tôt et les lança en direction des assaillants. En une imprécation silencieuse, les fioles éclatèrent, rajoutant aux racines de véritables blocs de glace empêchant toute poursuite.
Dans la confusion la plus totale, le petit groupe s’évanouit, invoquant leurs montures afin de distancer ses adversaires.
De leur côté, les deux trolls en prise avec la garde de Brise Clémente voyaient la poigne de l’ennemi se resserrer sur eux. Bientôt les arcs ne suffiraient plus il faudrait sortir les lames. Semant le désordre dans les rangs serrés de la milice, le Scorpion et le Raptor, familiers sans peur et dévoués des deux chasseurs empêchaient l’avancée trop subite des ennemis des Epigones.
Les quatre fuyards de la capitale elfique rejoignirent les deux chasseurs aux prises avec la garnison de Brise Clémente. Alors que les taurens et fûma allaient se jeter dans la mêlée, Aërindëel les arrêta d’un geste. Le barde leva les bras au ciel. L’air se raréfia autour de lui, de lourds nuages se formèrent au dessus de la tête des gardes. A mesure que les secondes passaient la peau du barde blanchissait, se couvrant d’une fine pellicule de Givre, ses yeux perdirent leur lueur verte et crépitèrent d’éclairs bleutés. Dans un tonnerre fracassant, des milliers d’échardes de glace, plus tranchantes que des lames d’assassin déchirèrent les nuées et s’abattirent sur les elfes.
Le silence revînt. En lieu et place des agresseurs, des corps glacés et enchevêtrés couvraient le sol.
- Maintenant que le chemin est dégagé, nous pouvons poursuivre. Ironisa fûma. Amrod nous attend à Tranquilien. En avant compagnon et ne trainons pas les pieds.
Les Epigones reprirent leur course vers le sud de Brise Clémente coupant à travers les sous bois afin d’éviter de tomber sur d’autres factions armées.
Leurs pas les amenèrent jusqu’à l’orée des terres fantômes. La région, marquée par les ravages du fléau offrait aux voyageurs des visions cauchemardesques des pouvoirs du Roi Liche. La végétation tordue et boursouflée tentait de s’extirper de ronciers inextricables. L’herbe elle-même semblait pourrie au pied. Des monticules de terre fumants et jonchés d’ossements semblaient avec toute la force de la nature sauvage de garder en elle les restes des guerriers tombés lors de la chute de Quel Thalas.
Le guerrier et le chamane s’arrêtèrent net.
- La nature pleure en ce lieu, elle se lamente et souffre… elle agonise. Tharken eut du mal à retenir ses larmes. Je ne connaissais pas cet endroit maudit.
- Les maleterres sont pire que cela mon ami… Tranquilien et les terres fantômes se remettent lentement des affres du Fléau. Aërindeel pointa du doigt un buisson plus épais. Derrière… la balafre qu’a laissé Arthas sur ces terres.
Le chaman fit s’écarter la végétation s’un simple geste.
Là sous les yeux ébahis des six compagnons s’étendait toute l’horreur de la malebrêche. Une terre calcinée, brûlée jusqu aux tréfonds laissait apercevoir aux spectateurs un véritable charnier à ciel ouvert. Ossements, cadavres en décomposition se mêlaient, couvrant à certains endroits la terre elle-même. Le sol jonché d’ossements était foulé par des ames damnées et des goules avides de ronger quelques lambeaux de chair rance.
Le barde reprit de plus belle
- tant que la malebrêche ne sera pas nettoyée… les terres fantômes ne pourront pas retrouver leur beauté. Ici était autrefois la luxuriante forêt de Quel Thalas.
Le petit groupe traversa les rues silencieuses de tranquilien. Les âmes damnées des réprouvées qui erraient dans les rues balayée par l’odeur de la mort les regardaient passer impassibles. Les claquements des machoires et les grincements des rotules des habitants du dernier avant poste Elfe de sang rompaient le silence. Les phalanges nues des orteils des réprouvés claquaient sur le pavé dans un bruit macabre. L’ancienne ville elfique n’était que l’ombre de sa gloire passée. Les Domes de cristal à moitié effondrés, les somptueuses sculptures profanées, les fontaines assechées depuis longtemps offraient un spectacle qui laissait présager d’un sombre futur pour les elfes de sang.
Ne s’attardant pas les fuyards rejoignirent un bâtiment à l’écart du reste des habitations.
Se tenant la tête entre les mains, Amrod entouré des autres membres de la confrérie hurlait à qui voulait l’entendre.
Dans le bâtiment calciné tout n’était que désordre. Les bibliothèque étaient renversées, les chaises éventrées. Les délicates décorations elfiques arrachées.
Le maître des Epigones n’eut qu’une phrase à l approche de ses compagnons.
- ils nous ont retrouvés. Il nous faut fuir, nous n’avons plus le choix.