CHAPITRE I, acte 2 : CHASSE A L HOMME
Les yeux perdus dans les tourbillons du canal de Fossoyeuse, Aërindëel s'interrogeait encore et encore sur la raison qi l'avait poussé à rejoindre les Epigones d'Izaca. Les eaux boueuses, charriant jadis les égouts de Feu Lordaeron étaient le reflet de ce qu'était devenu l'ancienne capitale humaine. Des cadavres de rats et d'animaux tordus par les expériences de la société royale des Apothicaire flottaient nonchalamment au gré du courant.
Le barde fut interrompu dans ses pensées par le Glas. Les sept coups résonnèrent sur les murs en pierre de la cité des réprouvés. Ici peu se souciaient du temps qui passe. les habitants de la cité étaient livrés depuis plus de dix ans à ce qui serait une éternité de tourment. Le temps n'avait plus de prise sur eux. Seules quelques silhouettes furtives se glissaient dans les couloirs de la cité, Elfes, Orcs Trolls ou Taurens, encore bercés par le rythme circaedien et se croisaient, souvent anonymes, entre les étages de Fossoyeuse.
Un coup sur l'épaule fit sursauter Aërindeel. Une main décharnée, coiffée d'un sourire édenté lui tendit une enveloppe soigneusement cachetée. D'un sourire forcé masquant un rictus de dégoût, le barde remercia le réprouvé qui lui tendait la missive et le congédia. Le sceau sur le courrier ne faisait aucun doute: la rose élémentaire des Epigones d'Izaca fermait un message des plus mystérieux.
« retrouvons nous ce soir pour une réunion informelle dans un endroit à découvrir" Amrod.
Le barde fronça les sourcils. Inquiet de la lettre du Maître de la confrérie. Dans un effort surhumain il se concentra, plongea son esprit au travers du tumulte des pensées environnantes afin d'entrer en lien télépathique avec Arwinn, l'archimage des Epigones. Tel un phare illuminant les ténèbres, Aërindeel aperçu l'âme de la puissante mage et s'adressa à elle.
La voix douce et résonnante d'Arwinn, dans le chaos des pensées lui apprit que nombre d'Epigones avait reçu le même courrier et que d’ores et déjà elle avait mis sur la piste d’Amröd, son époux Asthaïn, le plus sage et puissant chasseur de la confrérie. La dernière trace d’Amröd remontait à Lune d’Argent.
Le barde remercia son interlocutrice et quitta le réseau des pensées pour se préparer au voyage qui l’attendait.
L’éternel voyageur, le conteur des vents allait reprendre son inexorable chemin. Mais cette fois ci vers cette cité qu’il haïssait tant. Lune d’Argent.
Voilà déjà une journée que Kuroda arpentait les rues et les ruelles de la capitale elfique. Tant bien que mal il interrogeait la population pour savoir si quelqu’un n’avait pas entendu parler d’Amröd Lölindir, maître des Epigones d’Izaca. Il devait lui aussi le retrouver et pourrait enfin en savoir plus sur cette supposée Déesse.
La foule bigarrée des rues de la cité lui tournait la tête. Voilà presque dix ans qu’il n’avait plus de contact avec le monde extérieur. La dernière personne à avoir franchi le seuil de la grande bibliothèque de Lune d’Argent était Kael'thas Haut Soleil lui-même. Juste avant que le fléau ne fasse trembler les murs de la capitale elfique. Puis, le seigneur des elfes de sang disparut à jamais. Certains disaient qu’il était en Outreterre, d’autres le croyaient perdu corps et bien, victime parmi les victimes de l’invasion du Fléau.
Ayant écumé tous les recoins de la cité, le Maître archiviste Kuroda se résigna et dans un geste de dépit froissa la lettre qu’Amröd avait écrite et la jeta au sol. Soudain, un courant inhabituel dans le mana attira son attention. Sa connaissance des arcanes était aiguisée par les années d’étude studieuse qu’il avait mené au sein du sanctuaire de la bibliothèque. Une source de mana, plus puissante que les autres émanait de l’extérieur de la ville. D’un pas résolu l’elfe se dirigea vers elle, il lui fallait savoir quelle en était la cause.
Bercée par le bruissement du vent doux dans les feuilles éternellement vertes du Bois des Chants Eternels, Mëlywenn s’adonnait à son passe temps favori.
Sa ligne trempait mollement dans l’eau claire du bassin. Seuls quelques nénuphars venaient s’accrocher dessus, mais depuis les heures qu’elle avait commencé à pêcher, rien… pas une seule prise. Oh, elle devait avoir remonté quelques racines, ou quelques grenouilles attirées par l’appât qu’elle avait fixé dessus, mais aucun poisson. Rapide comme le vent, une ombre s’approcha de son bouchon. La jeune démoniste se barra d’un sourire satisfait. Prudemment, elle posa sa deuxième main sur la canne à pêche, faisant attention de ne pas effrayer sa proie. Toute concentrée sur la promesse d’un repas savoureux elle ne remarqua pas la silhouette qui s’approchait d’elle.
Sursautant au premier mot que l’homme prononça, et ruinant tous ses espoirs de poisson frais dans le même temps. Aërindeel venait d’arriver aux abords de Lune d’Argent. L’orbe de transposition lui avait permis de traverser le temps et la distance d’un battement de cil. La magie avait cet avantage de raccourcir les durées de voyage. Le barde lança un sourire apaisant à la démoniste.
En son sein Mëlywenn fulminait d’avoir été ainsi surprise et d’avoir à cause d’Aërindeel laissé filer sa seule chance de ne pas revenir bredouille d’une journée de pêche. Un long silence accompagna le regard tendre que jetait le barde sur sa jeune protégée. Voilà des lunes qu’il ne l’avait pas revue. Il l'avait aimée dès le premier regard. Cette résolution, cette force de caractère et surtout ce goût du risque. Elle ne le savait pas et n en saurait probablement rien. Lui qui était condamné à errer sur les routes de Kalimdor jusqu’aux Royaumes de l’Est - afin de découvrir la source de ses pouvoirs, à conter l’histoire d’Azeroth comme un témoin des changements de notre monde - ne pourrait aimer et fonder un jour un foyer. Les rêveries des deux épigones furent interrompues par l’arrivée inopinée d’un elfe au port altier. Ses robes richement cousues et le cerclet qui ceignait son front lui prêtaient une ascendance noble. L’elfe s’inclina.
- Kuroda maître Archiviste de la Grande bibliothèque, mes respects mes amis. Mëlywenn sourit à pleine dents au nouvel arrivant. Le regard que Kuroda jeta à la démoniste ne trompa aucunement le barde. Aërindeel serra les poings.
- Vous ne connaissez pas encore Kuroda, Aërindeel. Vous deviez encore être à l’autre bout du monde lorsque celui-ci a rejoint les Epigones d’Izaca. La voix rieuse de Mëlywenn infiltrait bien malgré elle son venin dans les oreilles du barde.
- En effet, je n’ai pas eu ce plaisir mon amie. Mes respects Maître archiviste.Kuroda conta qu’il avait perçu une puissante aura de Mana sur les extérieurs de la cité. La signature télépathique était celle d’Arwinn. L’Archimage devait s’être lancée à la recherche du lieu secret vers lequel Amröd avait convié toute l’assemblée des Epigones.
Dans un silence gêné les trois comparses allaient se lancer à la recherche de l’Archimage lorsque le plumage flamboyant de son faucon pérégrin leur apparut à l’Horizon. Aërindeel héla Arwinn avec l’étiquette qui lui était due.
La magnifique elfe blonde était flanquée du seigneur Asthaïn, son époux et de Weikanee, l’unique troll que comptait l’assemblée des Epigones, tous deux, chevauchants de puissants raptors.
Passées les salutations d’usage, Weikanee et AsthaÏn se lancèrent sur la piste d’Amrod pendant que les quatre utilisateurs de magie échangeaient des palabres sur les raisons mystérieuse qui avaient poussé Amrod à les convier ainsi.
Dans tout Azeroth on ne pouvait compter sur de meilleurs chasseurs. L’œil aiguisé d’Asthaïn et le flair indéflectible de Weikanee leur permirent rapidement de localiser les premières traces d’Amröd. Chaque buisson (
) foulé par le maître des épigones, chaque brindille qu’il eut écrasée portait sa trace, son odeur, sa piste.
Weikanee s’occupait de chercher à l’est de la Malebrèche. Les nombreux villages troll qu’il pourrait croiser par là ne s’inquièteraient nullement de voir l’un de leur comparses passer, évitant ainsi des embuscades à Asthaïn.
Le chasseur elfe quand à lui, écumait la partie occidentale du bois, suivant les pistes, interrogeant les magistères. Chacun excellait dans son art de la traque. Weikanee, riche d’une tradition millénaire des trolls Amani, savait communier avec les éléments, les Loas, esprits de la nature lui parlaient presque, le remettant dans le droit chemin. Asthaïn, à l’allure noble et à l’œil perçant conjuguait ses talents de diplomate et sa parfait connaissance de la région.
Finalement, les pistes des deux chasseurs se croisèrent pour se rejoindre au même endroit. Le village de Brise Clémente. Souriant tel un père satisfait, Amröd salua d’un air satisfait du haut de son balcon les deux chasseurs qui reprirent la route vers la cité afin de prévenir leurs compagnons. Amröd avait enfin été retrouvé, ses secrets pourraient enfin être révélés…